Juliette Méadel dans le JDD

Juliette Méadel au JDD

Alors que La France insoumise a appelé à intensifier les rassemblements propalestiniens, le mouvement s’étend dans les facs. Plusieurs Sciences Po de province sont bloqués ce mardi. Doit-on sanctionner les étudiants qui organisent ces rassemblements où l’on chante et arbore des slogans antisémites ?

Juliette Méadel : Tout slogan antisémite doit donner lieu à des sanctions, c’est évident. Quand on est étudiant à Sciences Po, on doit être en mesure de comprendre que le symbole des mains rouges correspond au lynchage, en 2000 à Ramallah, de deux Israéliens. Importer ce symbole dans une manifestation en France et montrer ces mains ensanglantées, ce n’est pas un appel à la paix. C’est un appel à la haine, qui peut être légitimement interprété comme de la haine antisémite. C’est inadmissible !

L’accord passé la semaine dernière entre la direction de Sciences Po Paris et les étudiants propalestiniens qui ont organisé le blocus des locaux est très critiqué. Certains parlent d’une reddition face à l’islamo-gauchisme. Qu’en pensez-vous ?

Le problème n’est évidemment pas que les jeunes manifestent, mais la réponse trop faible et décevante de la direction dans ce contexte. C’est même un manquement à ce que les jeunes attendent des adultes, c’est-à-dire notre capacité à faire régner l’ordre juste et républicain. Les jeunes attendent que nous soyons capables de sanctionner toutes dérives racistes ou antisémites. On ne peut pas lever les sanctions disciplinaires des étudiants qui ont manifesté avec une telle méconnaissance des symboles, tout en laissant les étudiants de confession juive terrorisés. Les dérives antisémites sont très graves. Ce comportement ne peut pas rester impuni.

Sur X, vous écrivez que « l’importation du conflit en France est une manipulation, une manière de susciter le chaos et de semer la guerre civile ». Ce commentaire vise-t-il directement La France insoumise ?

Oui, Je vise en particulier La France insoumise à qui j’en veux beaucoup. Ils sèment le chaos partout où ils peuvent, en particulier dans la jeunesse. La responsabilité de Jean-Luc Mélenchon est immense. Il s’attaque à notre modèle républicain en jouant la communauté des juifs contre celle des musulmans. Dans notre pays, il n’y a qu’une seule communauté, c’est la France. C’est en tout cas l’idée que nous défendons avec les radicaux de gauche et c’est l’une des raisons majeures de notre candidature avec Guillaume Lacroix aux élections européennes. Aujourd’hui, nous avons une certaine gauche qui n’est pas capable de condamner, dans la même phrase, les atrocités commises par le Hamas et la réponse militaire disproportionnée et choquante de Netanyahou.

Vous dénoncez aussi le positionnement du PS. Vous dites que « depuis le 7 octobre, le parti socialiste d’Olivier Faure a sali son histoire en se fourvoyant dans la NUPES avec les Insoumis »

La NUPES est une compromission contre laquelle nous nous battons. C’est un accord électoral pour sauver des places avec La France insoumise. Il n’y a plus d’accord possible avec eux depuis le 7 octobre et les propos inadmissibles de certains Insoumis, que le parti socialiste n’a pas été capable de dénoncer. Le parti socialiste est une gauche soumise et qui n’est pas libre. Dans l’esprit des Français maintenant, une partie de la gauche est antisémite ; c’est une défaite et une dérive. Toute personne qui reste dans ce type d’alliance est dans une démarche de compromission dont elle doit sortir au plus vite. C’est la raison pour laquelle nous considérons aujourd’hui que la seule liste capable d’incarner la gauche républicaine, c’est la nôtre, la liste Europe-Territoires-Ecologie. Nous sommes une gauche libre, souveraine et sans compromis. Nous serons capables de sanctionner tout slogan antisémite et d’être intraitable.


Votre positionnement, ni NUPES ni Macron, signifie-t-il qu’un autre espace politique à gauche est possible ?

Bien sûr ! Une grande partie des électeurs du centre gauche qui ont voté François Hollande en 2012 puis Emmanuel Macron en 2017 et 2022, sont déçus par le second quinquennat du Président de la République. Cet électorat ne se sent pas du tout représenté par la NUPES. C’est un électorat qui est orphelin et qui n’a qu’une seule tentation : l’abstention. Nous, nous leur disons qu’il faut revenir aux urnes. Si vous n’allez pas voter, vous allez renforcer le poids des électorats les plus mobilisés qui sont ceux des extrêmes. Le Rassemblement National avec Jordan Bardella est une impasse totale. Il ne connaît pas ses dossiers. Son programme, comme celui des Insoumis, est inspiré par des forces étrangères qui veulent déstabiliser l’Europe.

Pour créer un espace politique, il faut aussi se faire connaître et avoir de la visibilité dans les médias. D’ailleurs, vous interpellez le régulateur français de la communication audiovisuelle et numérique. Guillaume Lacroix, votre tête de liste, a écrit à l’ARCOM mi-mars pour faire respecter l’équité dans la couverture des élections européennes.

Je pense que nous sommes victimes d’une forme d’ostracisme. Le débat public est aujourd’hui confisqué par le match des trois ! le RN et Renaissance d’un côté et le PS de l’autre. On dirait que l’histoire est déjà écrite. Notre liste, Europe-Territoire-Ecologie, est nouvelle. Comme l’Arcom a décidé que le calcul des temps de parole dépendait de votre score aux dernières élections européennes, nous sommes forcément pénalisés puisque nous n’avons pas été candidat en 2019. Cette règle nie la possibilité aux nouveaux entrants d’exprimer une autre offre politique dans les médias. C’est l’ostracisme des petites listes existantes. C’est une entrave à la liberté d’expression et au droit d’information du citoyen.

Faut-il réformer les temps de parole ?

Oui, car la démocratie française est complètement verrouillée et le système médiatique ne fait qu’amplifier ce frein. Il faut ouvrir et arrêter de favoriser la politique TikTok, qui pousse les candidats à faire des vidéos de vingt secondes sur les réseaux sociaux sans approfondir les sujets. L’Arcom doit faire vivre le débat, faire l’éloge de la nuance et de la confrontation des idées.