Article de La Nouvelle République du Centre Ouest

Il faut que les ego s'effacent.





Il a manqué devenir premier ministre une fois le gouvernement Barnier censuré, mais ne renonce pas à peser sur la vie politique. 

Bernard Cazeneuve, locataire de Matignon en 2016 et 2017, donne sa vision de la situation dans laquelle se trouve la France dans un ouvrage : "Un chien parmi les loups" (Edition de l'Observatoire), publié à deux ans de la prochaine élection présidentielle.

Vous dressez un portrait assez sombre de la situation dans laquelle se trouve la France, tout en parlant d'espérance à plusieurs reprises. Où cette espérance se trouve-t-elle et comment la faire fructifier et en tirer parti ?

Je ne dresse pas un tableau sombre de notre époque. Je m'essaie simplement à un constat lucide. Nous vivons un moment de rupture. Violent et de nature à mettre à mal les fondements de l'Etat de droit, de la démocratie et de la paix. Quant à l'espérance, elle puise au creuset de l'Histoire de l'humanité, de sa capacité de sursaut et de résistance face à toutes formes de totalitarisme.

Vous constatez une dégradation du débat public, notamment parlementaire. 
Quelles en sont les conséquences et comment pourrait-on l'améliorer?

Il y a une prise de distance préoccupante avec le sens de l'intérêt général et le souci du bien commun. Le narcissisme numérique, la difficulté à bâtir des compromis et, par conséquent, à engranger des progrès utiles, alimentent une radicalité stérile. Il faut donc que l'éthique de responsabilité reprenne ses droits et que les ego s'effacent pour rendre possible, dans la confiance, une oeuvre collective de redressement. J'ai voulu formuler des propositions qui puissent alimenter le débat et nourrir un projet pour la France : qu'il s'agisse de l'école, de la santé, de la décarbonation de la production, de l'habitat ou des transports, de la réduction nécessaire des déficits et de la dette, des enjeux de souveraineté européens, j'aborde toutes les questions qui préoccupent les Français.

Quel impact espérez-vous que la publication de cet ouvrage aura sur le débat public ?

Je n'ai pas à prendre parti dans les débats du PS.
Je ferai mon devoir, comme je me suis employé à le faire toujours. Je le ferai avec la volonté de protéger notre pays du risque que représente pour lui le RN.

Avez-vous l'intention de prendre des responsabilités plus importantes face aux situations que vous décrivez? Sous quelles formes cela pourrait-il se matérialiser ? Vous vous opposez à la France Insoumise, qui dispose pourtant d'un électorat non négligeable. Comment comptez-vous convaincre ces électeurs de revenir vers une gauche plus modérée ? Attendez-vous quelque chose du congrès du PS qui doit se tenir prochainement et trouvez-vous l'alliance de plusieurs candidats face à Olivier Faure judicieuse ?

LFI, ses outrances, ses dérives, ont eu pour principal effet d'amplifier le vote pour l'extrême droite. Accompagner cette fuite en avant, c'est installer à coup sûr l'extrême droite au pouvoir. Y résister, c'est rendre possible le rassemblement des Français autour des valeurs de la gauche républicaine humaniste. Je n 'ai pas à prendre parti dans les débats du PS, qui demeure ma famille politique. 

Vous avez tendu la main à Raphaël Glucksmann. Avez-vous eu un retour positif de sa part ? Aimeriez-vous tendre la main à d'autres personnalités ?

Je souhaite le rassemblement le plus large possible de la gauche de gouvernement et une rupture nette et définitive avec LFI. Là où je suis désormais, j'aide à cette clarification. Je tends la main à tous ceux qui sont lucides face aux périls qui menacent notre pays car seul le rassemblement large des Français permettra de nous en protéger. Chacun ensuite se positionne comme il l'entend. J'agis non pas en fonction de l'idée que je me fais de mon propre destin mais de celle que j'ai du destin souhaitable de notre pays.

Propos recueillis par Leo Berry